Une dramaturgie de terrain

Familiers d’un théâtre musical dans lequel les disciplines s’équilibrent sans se nuire, nous entendons proposer une relecture poétique contemporaine du fait historique que fut cette enquête, et élaborer une dramaturgie qui rendrait compte de la réalité sociale qu’elle fait émerger : alors que les ingénieurs du récent INRA accompagnent la transformation des espaces ruraux -dans le contexte des lois Pisanni et du développement du Marché Commun Européen- en appuyant le passage de l’activité des buronniers vers l’élevage à viande moderne, la RCP documente un monde paysan « en passe de disparaître ». Les ethnologues de l’époque, encore marqués par le regard pré-ethnologique des colons et des explorateurs, ou celui, plus romantique, de « l’Afrique Fantôme » de Michei Leiris, ont procédé à une patrimonialisation d’urgence des savoir-faire et expressions culturelles des communautés concernées, avec pour motif de rapporter et conserver dans des musées, pour les générations futures, le témoignage de cultures perdues.
Ces documents constituant un formidable appui pour le déclenchement de la parole, il nous apparaît essentiel, soixante ans plus tard, de partir en quête du ressenti de celles et ceux qui ont directement ou indirectement vécu cette période charnière.
Dans une première étape, préalable à la création du spectacle final, nous avons procédé à une forme de revisite, à propos de la mémoire de ce marqueur historique déterminant pour les éleveurs et les habitants de l’Aubrac en général, qui vont permettre d’interroger les archives présentées, leur mode d’élaboration, mais aussi les notions de folklore, de patrimoine, de mise en tourisme et d’identités culturelles en mouvement.
Les témoignages récoltés lors de deux résidences de territoire sur le plateau de l’Aubrac viennent enrichir le contenu des films et documents sonores du spectacle, et servent de base d’écriture pour la trame narrative, racontant la recherche de scientifiques du futur soudainement confrontés à la découverte de l’existence des anciens « Indiens d’Aubrac » et du re-surgissement de leur parole.